
Image: Abdul Samad Rabiu, fondateur et Président-Directeur Général de BUA Group
Histoire et leçons à tirer
Histoire
Abdul Samad Rabiu est né le 4 août 1960 à Kano, dans le nord du Nigeria. Son père, Isyaku Rabiu, était un commerçant et un industriel de renom dans l'État durant les années 1970 et 1980. Sa famille figurait également parmi les plus riches de Kano. Elle était souvent comparée à celle de Dangote, notamment en ce qui concerne leur fortune. Les deux familles faisaient du commerce et opéraient dans des secteurs d'activité similaires. Selon le site Agence Ecofin :
« ...les deux familles se côtoyaient dans le commerce de riz et de sucre. »
En 1983, un coup d'État militaire survient et interrompt la success story du patriarche de l'empire Rabiu, le père d'Abdul Samad. C'est le président Muhammadu Buhari qui prend alors le pouvoir. Cette même année, il fait emprisonner le père d'Abdul Samad, lui reprochant de ne pas avoir honoré le paiement de ses importations de riz. Il convient de souligner qu'Isyaku Rabiu était l'un des principaux financeurs du parti au pouvoir, en place depuis 1979, année où le pouvoir avait été transféré des militaires aux civils. L’arrestation du père d’Abdul Samad Rabiu aurait donc une origine politique.
Alors qu’Abdul Samad Rabiu poursuivait ses études aux États-Unis, il se sent obligé de revenir au Nigeria en 1984 pour prendre la tête des affaires familiales. À 24 ans, il a remplacé son père, toujours détenu par l'administration locale. Il affirme que cette période n'a pas du tout été facile. Voici ses propos :
« Cela a été très difficile. Notre père n'était pas là. Il y avait un grand vide, à cause de sa personnalité. Il a développé l'entreprise, il a tout fait, tout le monde lui rendait des comptes, et puis il n'était plus là. À un très jeune âge, j'étais donc chargé de tant de choses. J’ai dû prendre beaucoup de décisions importantes. À l'époque, les agences gouvernementales ont essayé de saisir les marchandises. Nous avons donc déchargé trois navires. Les marchandises ont quand même été saisies et nous avons dû nous battre pour les récupérer. Ça a vraiment été difficile. »
Toutefois, Abdul Samad Rabiu a su gérer la situation jusqu’à la libération de son père, qui l’a félicité. Quant à lui, il a tiré une expérience enrichissante de son rôle de gestionnaire de l'entreprise familiale.
En 1988, avec la bénédiction et le soutien de son père, Abdul Samad Rabiu fonde sa propre entreprise : le groupe BUA. Poursuivant l'héritage familial, il se lance dans l'importation de riz, de sucre et d'huiles comestibles. Quelques semaines seulement après le lancement de l'entreprise, il commence également à importer des barres de fer et d'acier.
En 1990, un de ses amis lui signale une opportunité liée à une entreprise publique de sidérurgie. Agence Ecofin rapporte :
« En effet, la production de la Delta Steel Company périclitait à cause de la décision du gouvernement nigérian de réduire les subventions. »
L’entreprise se tourne alors vers les investisseurs privés pour financer l’achat de matières premières. C’est avec Abdul Samad Rabiu qu’elle conclut un accord. Il explique :
« Nous importions leurs matières premières à hauteur de 25 000 à 30 000 tonnes par mois, et au lieu de nous rembourser en espèces, ils nous donnaient les produits transformés. Nous ne voulions pas collecter de l'argent, car, à l'époque, il arrivait qu'on ne l'obtienne jamais. »
Au final, Abdul Samad Rabiu obtient :
« pour 6,30 dollars, des produits qui coûtaient 90 dollars sur le marché libre. »
Ces produits étaient ensuite revendus. Avec ce modèle, le BUA Group s’est considérablement enrichi.
En 1992, un changement de régime met un terme à l’accord. Abdul Samad Rabiu obtient une part majoritaire dans la Tropic Commercial Bank. Cette dernière était une institution opérant sur le marché nigérian. Abdul Samad Rabiu n’abandonne pas les produits traditionnels de sa famille, l’huile et la farine.
En 1995, BUA Group fait l’acquisition de Nigeria Oil Mills, société qui traite les arachides à Kano, pour un montant supérieur à 20 millions de dollars.
En 1997, il crée sa première usine de meunerie, nommée Flour Mills, à Lagos.
En 1998, BUA Group lance une autre usine de farine, cette fois-ci à Kano.
En 2005, BUA Group entre dans le raffinage du sucre avec BUA Sugar Refinery. Cette raffinerie, dotée d’une capacité de 1,5 million de tonnes métriques par an, devient la deuxième plus grande d’Afrique de l’Ouest, après celle de Dangote Sugar.
En 2006, BUA Group s’oriente vers la logistique, avec BUA Ports & Terminals.
C’est lorsqu’Abdul Samad Rabiu entre dans le secteur du ciment que beaucoup estiment qu’il commence à concurrencer directement Aliko Dangote. Bien qu’ils soient amis, ils sont souvent présentés comme rivaux au Nigeria. Originaires tous deux de Kano, ils évoluent dans les mêmes secteurs d’activité, ce qui crée naturellement une concurrence. Pour Abdul Samad Rabiu, il ne s’agit pas de rivalité, mais simplement de concurrence.
Selon Agence Ecofin, Abdul Samad Rabiu déclare :
« Aliko est un businessman, comme moi. C’est un homme bon et un ami. Mais Aliko est aussi un capitaliste qui protège ses intérêts autant qu’il le peut. Ami ou non, c’est le business d’abord. Chacun de nous comprend très bien cela. Il protège son business, et moi j’essaie de lui prendre des parts de marché. Tout cela est normal. Nous parvenons à rester amis, car nous n’en faisons pas une histoire de cœur. Il n’y a rien de passionnel là-dedans, et il en a toujours été ainsi. »
Il ajoute :
« Aliko est comme mon frère, et nous parlons souvent [...] Vous savez, Aliko est quelqu’un qui adore le monopole. Si vous essayez d’entrer dans son business, il fera tout ce qui est en son pouvoir pour protéger ses affaires. Mais ce n’est pas parce que vous y parvenez qu’il vous détestera. Aliko est ainsi. Que vous soyez son ami, son cousin, son frère ou sa fille, cela n’a aucune importance, il défendra ses intérêts de la même façon. Il est fait comme ça. C’est dans son sang. Vous pouvez le concurrencer de toutes vos forces, il vous prendra quand même dans ses bras quand vous le rencontrerez, et il sera même le premier à vous appeler pour vous féliciter et vous dire : OK. 1-0 pour toi. »
En 2007, Abdul Samad Rabiu investit dans le secteur du ciment. Pendant une décennie, il y multiplie les investissements, jusqu’à devenir le principal rival de Dangote au Nigeria. Grâce à l’expansion de ses capacités de production, notamment dans l’État de Sokoto, au nord-ouest, il est surnommé « le roi du Nord ». Avec plus d’un quart des capacités de production du Nigeria, il représente aujourd’hui le principal concurrent d’Aliko Dangote dans ce secteur.
En 2008, BUA Group fonde BUA Cement.
En évoquant son apparition dans la liste des milliardaires en dollars du magazine Forbes, Abdul Samad Rabiu affirme :
« C'est un bon sentiment d'être sur cette liste. Mais la chose la plus importante n'est pas de savoir combien d'argent vous faites, mais l'impact que vous avez. Toucher la vie des gens est plus important, car l'argent est un chiffre. Ce dont vous avez besoin au quotidien n'est pas si important. »
Il s’investit aussi dans le secteur des hydrocarbures, à l’instar de Dangote.
En 2016, il cède ses activités dans la farine et les pâtes à Olam, afin de se recentrer sur ses secteurs clés. Ce choix stratégique s’avère payant : le cours de BUA Cement à la Bourse de Lagos a presque doublé depuis septembre 2023, augmentant sa richesse de 2,7 milliards de dollars en un an.
Au dernier trimestre de 2020, BUA Group signe un accord avec le groupe français Axens (spécialiste des technologies industrielles et pétrochimiques) pour développer une raffinerie. En juin 2023, Rabiu obtient une facilité de crédit de 500 millions de dollars (soit 460 millions d’euros) auprès de la Société financière internationale (IFC) pour agrandir sa cimenterie de Sokoto. Ce projet vise à accroître sa capacité de production de 6 millions de tonnes par an, consolidant ainsi la position de BUA Cement sur le marché. Avec une mise en service prévue en 2024 et une capacité de 200 000 barils par jour, cette infrastructure pourrait permettre à Rabiu de combler l’écart avec Dangote, voire de l’égaler à terme.
Par ailleurs, Abdul Samad Rabiu mène de nombreuses actions philanthropiques. À travers sa fondation Abdul Samad Rabiu Africa Initiative (ASR Africa), il a offert environ 12 millions de dollars à l’État d’Akwa Ibom pour la construction d’un hôpital universitaire. Ce don est intervenu quelques jours seulement après une contribution de 2,4 millions de dollars à l’université de Maiduguri, en 2021.
Leçons à tirer
Abdul Samad Rabiu a su diversifier ses investissements : farine, sucre, logistique, ciment, hydrocarbures. Son parcours montre qu’un entrepreneur est aussi un investisseur : il prend des risques calculés dans l’espoir de résultats positifs. L’exemple de la cession de ses activités dans la farine et les pâtes à Olam en 2016 illustre cette stratégie de recentrage, qui s’est révélée fructueuse. Le cours de BUA Cement a doublé, et la richesse de Rabiu a augmenté en conséquence. Il est un entrepreneur stratégique, capable de passer du commerce à l’industrie, de la diversification à la concentration.
Il a également fait preuve de courage : à 24 ans, il a interrompu ses études aux États-Unis pour reprendre l’entreprise familiale en l’absence de son père, malgré une période très difficile. Cette expérience l’a renforcé.
Enfin, réussir, c’est aussi redonner. Par sa fondation ASR Africa, Rabiu réinvestit une partie de sa fortune dans l’éducation, la santé et les infrastructures sociales. Sa philosophie est claire :
« Mais la chose la plus importante n'est pas de savoir combien d'argent vous faites, mais l'impact que vous avez. Toucher la vie des gens est plus important, car l'argent est un chiffre. »
Sources
https://www.buafoodsplc.com/sugar/?
https://www.theafricaceoforum.com/fr/portraits/abdulsamad-rabiu/
https://ng.linkedin.com/company/bua-cement
https://oceans-news.com/abdulsamad-rabiu-itineraire-dun-titan-du-secteur-de-lindustrie/
https://www.theafricaceoforum.com/forum-2023/fr/portraits/abdulsamad-rabiu/